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Interview pansexualité : Ni hétérosexuelle, ni lesbienne, ni bisexuelle
Mara, membre de l’association Bi’Cause, a accepté notre demande d’interview. Dimanche dernier, elle a répondu à nos questions au sujet de la pansexualité et de son engagement pour la cause pansexuelle et LGBT+.
Bonjour Mara et merci d’avoir accepté de nous rencontrer. Peux-tu te présenter brièvement pour les lecteurs et les lectrices de notre blog pansexuel ?
J’ai 27 ans, viens de Paris et suis doctorante en sociologie. J’ai d’ailleurs choisi d’écrire ma thèse sur la minorité des pansexuels et des pansexuelles en France, une cause qui me tient très à cœur et pour laquelle je me suis engagée il y a un peu plus de trois ans, au moment où j’ai appris que je n’étais ni hétérosexuelle, ni lesbienne, ni bisexuelle.
Justement, comment as-tu « appris » que tu étais pansexuelle ?
Je me sentais attirée tantôt par les hommes, tantôt par les femmes, d’où ma conclusion hâtive que j’étais bisexuelle. Ce que je n’avais pas compris, c’est que j’étais attirée par les personnes plus que par leur sexe, leur genre ou leur apparence physique. Ce qui m’attire chez quelqu’un ce ne sont pas forcément ses attributs physiques, c’est une chose plus profonde, presque indicible. Beaucoup se joue dans le regard, dans l’attitude, dans la gestuelle, dans l’énergie qui peut lier deux êtres humains.
C’est alors en discutant avec un membre de l’association Bi’Cause que j’ai pris connaissance de la pansexualité. A l’époque j’avais un gros doute sur ma sexualité, j’avais du mal à me caser dans une catégorie, et puis il s’est aussi passé un évènement très grave qui a bouleversé ma vie.
Interview pansexualité : « Orientation sexuelle incomprise »
Pourquoi avoir choisi de rejoindre l’association Bi’Cause ?
J’ai toujours été quelqu’un d’engagée politiquement : manifestations, assemblées générales, blocages, j’ai l’habitude des actions politiques et militantes. Le déclic est venu d’une rencontre amoureuse. A l’âge de 23 ans, j’ai eu un coup de foudre pour une fille. C’était la première fois que j’éprouvais du désir et des sentiments pour une femme. Elle était douce, d’une gentillesse incomparable, elle avait la joie de vivre. Du reste c’est ce qu’elle laissait transparaître. Malgré son apparence joyeuse, elle souffrait au fond d’elle.
Elle souffrait d’une orientation sexuelle incomprise. Incomprise par ses proches mais aussi et surtout par elle-même. Cette incompréhension, qui s’exprimait parfois comme un rejet, l’a conduite au suicide. Au jour de son décès je me suis dit qu’il fallait que j’agisse, que j’aide ceux et celles dont l’identité et l’orientation sexuelles étaient une cause de mal-être, de souffrance. Je me suis alors tournée vers l’association Bi’Cause. C’est à ce moment-là que j’ai compris, que j’ai accepté le fait qu’il était possible d’aimer quelqu’un pour autre chose que son sexe. J’en ai fait en parallèle l’objet de mon travail universitaire. L’association m’a d’ailleurs été très utile pour mes recherches car j’ai eu accès à de nombreux témoignages, et en sociologie l’étude de terrain est fondamentale.
Quelles sont les actions menées par Bi’Cause ?
Pour la petite histoire, Bi’Cause est une association née du sentiment de non appartenance à la communauté gay et lesbienne. A ses débuts, c’est-à-dire à la fin des années 90, l’association se voulait porte-parole des personnes bisexuelles. Avec l’émergence du mouvement LGBT, l’association s’est ouverte à d’autres orientations sexuelles. La pansexualité en faisait partie et continue d’en faire partie.
Interview pansexualité : « Autant de définitions de la pansexualité que de personnes pansexuelles »
Le rôle des membres de l’association n’est pas figé. Chaque membre est libre de s’investir de la façon dont il ou elle estime qu’il ou elle sera utile. Mais en gros, il s’agit de sensibiliser les jeunes et les moins jeunes sur des thèmes tels que l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, la notion de genre, les maladies sexuellement transmissibles, dont le SIDA, et cela quelle que soit leur orientation sexuelle ou leur âge. Il est aussi question de favoriser les rencontres entre les personnes, non pas pour créer un sentiment de communauté, mais pour que chaque personne ait la possibilité de s’exprimer et de partager une expérience qui, même si elle diffère d’une personne à l’autre, possède de nombreux points communs. Enfin, l’objectif est de lutter contre toutes les discriminations en lien avec l’identité ou l’orientation sexuelle.
Comment définis-tu ta pansexualité ? Et comment s’exprime-t-elle ?
J’apprécie votre approche : il n’y a pas une pansexualité mais une pléthore de pansexualités. Il y a d’ailleurs peut-être autant de définitions de la pansexualité que de personnes pansexuelles. Je vois ma pansexualité comme une chance : la chance de pouvoir aimer sans limite, sans distinction, sans question. Qu’on le veuille ou non, il est plus difficile d’aimer que de haïr. J’ai la chance d’aimer les gens pour ce qu’ils sont intérieurement et non pas pour ce qu’ils veulent bien montrer.
Ma pansexualité s’exprime d’une façon plus sentimentale que sexuelle. Je ne suis pas quelqu’un qui court après les conquêtes sexuelles. Pour faire l’amour avec une personne, j’ai besoin d’avoir confiance, et la confiance se bâtit sur le long terme.